Je ne compte plus le nombre de papelards vindicatifs que j’aurais pu écrire sur la Poste depuis ma naissance. Chaque visite au guichet est une nouvelle aventure pleine d’incroyables surprises et de consternation.
La dernière en date, c’était il y a quelques semaines, quand j’ai voulu envoyer un colis en recommandé. Un colis minuscule de dimensions 18*15*15 cm, que j’avais empaqueté moi-même avec amour et dix kilomètres de ruban adhésif marron pour colis, pour ne pas me prendre des remarques concernant une éventuelle non-conformité sur l’emballage.
Seulement voila, je me présente au guichet, je remplis le formulaire d’envoi, et au moment de le coller sur le carton, la guichetière me sort :
_ Je ne peux pas vous l’expédier, il est trop petit, votre colis.
_ Ouatezeufeuque ?, rétorquais-je d’un air officiellement surpris, officieusement agacé, comment ça il est trop petit ?
_ Oui, c’est dans le règlement, attendez je vérifie, (elle pris le verso de la feuille de dépôt et l’exposa à la lumière des lampes du faux plafond comme si un paragraphe caché était malicieusement glissé en filigrane dans les conditions spécifiques de vente – l’espace d’un instant je crus assister en live à une scène de chasse au trésor digne d’un Benjamen Gates), voila c’est bien ça, paragraphe 2 alinéa 1 des conditions d’admission, il faut que le feuillet recouvre entièrement le colis.
_ Ah, bah si c’est que ça c’est pas bien grave. On n’a qu’à le plier au milieu comme ça (je lui arrachai poliment le feuillet des mains et exécutai avec méticulosité une belle pliure bien propre sur le feuillet en plein milieu, séparant d’un côté de celui-ci les adresses manuscrites et de l’autre le code barre gigantesque), là on peut le coller entièrement.
_ Non, non, ça ne compte pas, on a des machines qui font le tri et il faut que le feuillet soit parfaitement à plat. Sinon je dois vous appliquer un supplément de 5€.
Je lui adressai un regard tellement explicite, et mes pensées furent tellement palpables, qu’elle comprit dans l’instant qu’elle pouvait se foutre sa surtaxe de 5€ au cul et qu’il est hors de question que je reparte chez moi pour me taper une nouvelle session d’emballage d’une demi-heure.
Qu’on ne me fasse pas croire que les machines ne sont pas capables de traiter des étiquettes dont les bords sont pliés sur 2 cm aux deux extrémités, ils ne contiennent aucune information nécessaire à l’acheminement. Qu’on ne me fasse pas croire que la totalité de mon écriture manuscrite sera lue et reconnue par une machine, les captchas illisibles des sites de DDL sont générés exclusivement d’après mes notes sténographiques saisies durant mes cours de philo de 1998. Qu’on ne me fasse pas croire qu’il n’est pas possible de réduire la taille du feuillet, notamment la zone réservée à ce code barres gargantuesque de 5.5 cm sur 3, on pourrait gagner un tiers de l’espace sur la feuille en organisant l’agencement différemment ou en utilisant un QR-code. Et surtout, bordel de merde, qu’on ne me fasse pas croire qu’il n’est pas rentable pour la Poste de refuser les colis emballés main, les préposés au guichet ayant tendance à orienter un peu trop rapidement à mon goût les clients sur le service « Colissimo Emballage », des bouts de carton aux dimensions « aux normes » qui sont vendus à prix d’or et qui d’un point de vue rapport poids/prix ne sont rentables pour l’acheteur que s’il a l’intention d’expédier du plomb ou des parpaings.
J’ai du me résigner à acheter cette saloperie de Colissimo Emballage et à glisser mon paquet à l’intérieur pour un surcoût de 2€. J’ai donc expédié un colis qui contient… un colis. Cherchez l’aberration. Merci la Poste.
Ironie du sort, deux ans plus tôt, c’était la même truie guichetière qui m’avait refusé par excès de zèle l’affranchissement d’une enveloppe au tarif lettre, sous prétexte qu’elle était trop épaisse.
Épilogue – j’ai eu une idée bien vicieuse, une idée que seul un cerveau machiavélique et perturbé comme le mien pouvait accoucher, afin d’assouvir une vengeance retentissante et méritée : acheter un Colissimo Emballage XL, y enfourner un beau moellon à l’intérieur, entourer les espaces vides de remblai, bien tasser, expédier le tout à une adresse qui n’existe pas à l’autre bout de la France dans un trou paumé accessible uniquement à dos d’âne, genre la pointe d’Étretat ou le sommet du Mont Saint Michel, idem pour l’adresse de l’expéditeur, genre un village troglodyte corse, et me réconforter en pensant aux vociférations des livreurs qui auraient préféré se coltiner mon minuscule paquet plutôt que leur saloperie d’emballage aux normes.
Ahhh la Poste, une source d’inspiratioon inépuisable.
Une parodie de service…
C’est du sévice public 🙂